Comment c’est fait
Comment ça pousse : Culture extérieure
Bon nombre de producteurs autorisés préfèrent la culture extérieure : la bonne vieille méthode, quoi. Voyez comment (et pourquoi) ils ont cette pratique à cœur.
Pour produire du cannabis, on n’a pas toujours besoin de salles de culture à la fine pointe de la technologie ou de lampes à DEL. Certains producteurs autorisés cultivent au moins une partie de leurs produits de la façon traditionnelle, soit dans le sol et sous le soleil.
Pour eux, c’est un retour à l’essentiel : une méthode à l’ancienne qu’ils favorisent pour sa simplicité, son recours aux éléments naturels et ses coûts généralement moins élevés.
« La culture extérieure nous permet d’offrir aux consommateurs des produits de haute qualité. La nature fournit une bonne part de l’éclairage, de l’eau et des nutriments que nous devrions autrement produire dans un environnement contrôlé. C’est l’un des plus grands avantages de cette méthode, a expliqué Christopher Ientile, directeur des opérations au site de culture extérieure d’Aleafia situé à Port Perry, en Ontario. Mais c’est une arme à double tranchant – si dame Nature nous en donne beaucoup, elle peut aussi nous mettre des bâtons dans les roues. »
Alors, comment les producteurs maximisent-ils les richesses de la nature, tout en résistant à ses éléments perturbateurs?
Aleafia, Jonny Chronic et Thrive Cannabis nous ont dévoilé les coulisses.
Choisir le bon emplacement
On peut créer un environnement de culture intérieure presque n’importe où. Mais à l’extérieur, ce ne sont pas toutes les parcelles de terre qui sont idéales pour cultiver du cannabis. Les producteurs doivent donc cibler une région et une zone de plantation qui conviennent le mieux à la culture de cannabis, puis obtenir l’approbation de Santé Canada pour procéder sur le site choisi.
Il ne suffit pas de trouver un espace ouvert. En effet, les producteurs doivent tenir compte d’une multitude de facteurs comme le climat, les schémas météorologiques et la qualité du sol. Ils doivent également vérifier si une souche est adaptée à la culture extérieure – la plante doit être robuste et ses cycles de floraison doivent correspondre à la saison de croissance de la région. Dans le cadre de leur processus de recherche, les producteurs mettent parfois à l’essai des échantillons de sol ou même des souches en semant un petit lot de plantes à l’extérieur.
« Nous testons des dizaines de cultivars chaque saison, et nous plantons les meilleurs au cours des saisons suivantes », a affirmé Tyson Cramer, technicien en chef chez Thrive. L’équipe d’Aleafia, quant à elle, choisit des variétés qui présentent « un profil génétique robuste pour leur culture à l’extérieur, car les plants femelles sont exposés à tant de variables, a indiqué M. Ientile. Chaque saison est une expérience d’apprentissage pour nous », a-t-il ajouté.
Se préparer à cultiver
Paradoxalement, la culture extérieure débute à l’intérieur. Avant de les mettre en terre dehors (ce qui se fait habituellement à la fin de mai ou au début de juin, au Canada), les producteurs préparent leurs plants dans des installations tempérées. Certains producteurs commencent avec des semences, mais Aleafia, Jonny Chronic et Thrive ont recours à des clones de plantes mères.
« Notre “inventaire” génétique vient de de partout dans le monde, mais lorsque nous plantons à l’extérieur, ce qui est mis en terre est entièrement issu de nos plantes mères vivant à l’intérieur, a révélé Robert O’Neill, directeur et chef de la direction chez Jonny Chronic. Nos clones destinés à la culture en plein air sont coupés à la mi-avril. Ils passent deux semaines dans notre salle de clonage, puis sont transplantés dans de petits pots et sont déplacés dans notre serre pour s’acclimater avant d’être mis en terre dehors. » À cette étape, on s’occupe des clones avec grand soin. « En commençant la culture avec les meilleurs éléments possible, nous obtenons une récolte saine. Nous consacrons donc beaucoup de temps et d’efforts pour veiller à ce que nos clones deviennent des plantes fortes et vigoureuses », a déclaré M. Ientile.
Les préférences de plantation varient d’une souche à l’autre et d’un producteur à l’autre. Chez Thrive, les plantes sont cultivées dans des pots et de la sphaigne est utilisée comme terreau. Selon M. Cramer, cette méthode « permet de faire pousser les plantes le plus profond possible dans le sol, tout en maintenant une bonne rétention d’eau pendant les jours les plus chauds de l’été ». Aleafia et Jonny Chronic mettent leurs plantes directement dans la terre, laissant le sol vivant naturel porter ses fruits.
Prospérer et survivre
Bien que la culture extérieure soit en grande partie guidée par les éléments naturels, elle exige beaucoup de surveillance et de contact humain, comme c’est le cas pour les autres types d’agriculture. Une fois que les plantes sont à l’extérieur, les producteurs continuent de soutenir leur croissance en les protégeant contre des menaces (comme des insectes envahissants ou les caprices de la météo) et en complémentant leur nutrition.
Les gens chez Thrive installent des treillis afin de protéger les plantes contre les forts vents et utilisent des insectes prédateurs pour les défendre contre des parasites potentiellement nuisibles. Pour ce qui est d’Aleafia, son équipe fait pousser des plantes comme l’alysse, le souci et l’achillée autour du périmètre des champs de cannabis. « Ces cultures-abris, a expliqué M. Ientile, visent à attirer des coccinelles, des chrysopes et d’autres insectes bénéfiques qui aident à contrôler naturellement la population de parasites. » Jonny Chronic s’est associé à l’Université de Guelph pour mettre au point un processus de lutte intégrée contre les parasites (LIP). Comme chez Aleafia, ce producteur utilise des cultures-abris ainsi que des insectes prédateurs pour lutter contre les parasites indésirables.
Souvent, l’eau de pluie n’est pas suffisante pour les cultures. De nombreux producteurs comblent ce manque d’eau en arrosant leurs plantes au moyen d’un système d’irrigation – semblable à ce qu’on utilise dans d’autres formes d’agriculture –, parfois quotidiennement lorsque le temps est particulièrement chaud. En outre, les plantes sont fréquemment fertilisées. Les producteurs peuvent ajouter du fumier dans le sol, utiliser des nutriments hydroponiques lors de l’irrigation ou créer leur propre mélange d’engrais. Pour cerner les besoins des plantes, les producteurs parcourent régulièrement les champs ou coupent des feuilles aux fins d’analyse.
Le saviez-vous?
Jonny Chronic utilise souvent du fumier de poulet vieux de dix ans comme engrais
De la récolte à la transformation
La saison de récolte du cannabis cultivé à l’extérieur est habituellement de la fin septembre à la mi-octobre – c’est pourquoi on la surnomme Croptober! Cependant, le moment exact de la récolte varie selon la maturité d’une souche particulière. « Chaque profil génétique présente son propre “agenda” de maturation, a affirmé M. Ientile. Notre maître jardinier prend grand soin de s’assurer que les trichomes ont pris une belle couleur ambre avant d’entamer la récolte. »
Aleafia, Thrive et Jonny Chronic récoltent à la main leur cannabis cultivé à l’extérieur. Ces producteurs travaillent en équipes pendant de longues journées et semaines pour couper les plantes et les suspendre pour leur séchage à l’intérieur. Les plantes peuvent être dépouillées (un processus à la main ou à la machine qui vient prélever les fleurs et les feuilles de la tige) avant ou après le séchage.
Le saviez-vous?
En 2020, Aleafia a récolté environ 31 000 kg de fleurs séchées
Les étapes suivantes dépendent de l’utilisation prévue par le producteur pour sa récolte. Thrive, par exemple, se sert de son cannabis cultivé à l’extérieur strictement pour produire des concentrés. « Actuellement, nous congelons rapidement la totalité de notre culture extérieure pour la soumettre à un procédé d’extraction aux hydrocarbures, qui préserve intégralement les terpènes et les cannabinoïdes. C’est avec ce cannabis que nous préparons notre fameuse Terp Slush à base de résine fraîche et nos produits à vapoter Greybeard », a révélé M. Cramer.
Aleafia et Jonny Chronic analysent les concentrations de cannabinoïdes et de terpènes avant de décider la manière de traiter et de formater leur cannabis cultivé à l’extérieur. Aleafia peut exploiter sa récolte pour la vendre sous forme de fleur entière, de fleur moulue ou d’extrait. Celle de Jonny Chronic est transformée en préroulés, en extraits, en produits de vapotage ou en teintures. « Nos souches extérieures sont parfaites pour les préroulés et les extraits. Elles sont riches en cannabinoïdes, bourrées de terpènes qui leur confèrent un bon goût, et elles sont agréables et douces lorsqu’elles sont bien maturées », a déclaré M. O’Neill. Il a ajouté que l’entreprise envisage de vendre possiblement son cannabis cultivé à l’extérieur sous forme de fleur séchée.
Étiquetage et emballage
Quel que soit leur format, toutes les fleurs cultivées à l’extérieur sont soumises aux mêmes analyses et tests imposés par le gouvernement fédéral visant à mesurer les concentrations de cannabinoïdes, de microbes, de métaux lourds, de toxines et de pesticides. Ensuite, elles sont emballées et étiquetées en affichant le symbole du cannabis standardisé, l’avertissement en matière de santé, le nom de la marque, la teneur en THC et en CBD et d’autres renseignements exigés concernant le produit, ainsi que le timbre d’accise fédérale montrant que le produit est certifié légal.
La culture extérieure peut sembler moins sophistiquée et plus imprévisible que la culture intérieure, mais cela ne veut pas dire qu’elle est moribonde pour autant. Au contraire – selon Santé Canada, le nombre de producteurs qui demandent une licence de culture en plein air double chaque année. À mesure que les consommateurs recherchent une valeur supérieure et manifestent un intérêt pour un plus grand nombre de produits et de procédés naturels, on peut s’attendre à voir plus de cannabis cultivé au soleil arriver sur le marché dans un avenir prochain.